Cet été, les rivières du Québec n’ont jamais eu aussi soif. Dans plusieurs régions, les lits jadis bouillonnants se sont transformés en sillons de pierre craquelée. Les municipalités ont dû rationner l’eau, les puits se sont vidés, les barrages ont peiné à produire et la faune aquatique a lutté pour survivre dans des filets d’eau tièdes et pollués.
Ce n’est plus un simple épisode de sécheresse, c’est un tournant historique. Le Québec, riche de ses milliers de lacs et rivières, découvre qu’il n’est pas à l’abri d’une crise hydrique profonde. L’eau, longtemps perçue comme une ressource inépuisable, devient soudain rare, vulnérable et précieuse.
Face à cette réalité, une question s’impose, jusqu’où laisserons-nous nos rivières s’assécher avant d’agir ? Car derrière chaque débit qui chute se cache bien plus qu’un enjeu environnemental, c’est tout un équilibre économique, social et écologique qui s’effrite.
Comme l'a mentionné Hugo Duchaine, dans son article du 11 octobre dans le Journal de Montréal, depuis le début de l’été, plusieurs régions du Québec ont enregistré un déficit de pluie de 30 à 50 % par rapport aux normales saisonnières. En septembre, on n’a mesuré que 50 mm de pluie dans certaines zones, comparativement à une moyenne habituelle de 140 mm, ce qui met une pression forte sur les lacs, les rivières et les nappes souterraines.
Selon le projet hydrologique CASCADES, les épisodes de bas débit (étiages) deviendront plus marqués à l’avenir à cause des changements climatiques, perturbant le cycle de l’eau entre les saisons. Le gouvernement du Québec suit de près ces changements via ses systèmes de suivi des niveaux d’eau et des débits, modulés selon différents scénarios climatiques pour les horizons 2050 et 2080.
La sécheresse ne frappe pas seulement les surfaces: les nappes phréatiques, essentielles à de nombreux puits privés, sont aussi affectées. Dans l’est du Québec, des propriétaires de puits doivent composer avec des réserves d’eau presque épuisées.
Bref : le Québec connaît un déficit hydrique persistant, qui érode les marges de sécurité de ses rivières et de ses ressources en eau souterraine.
Les effets sont désormais visibles dans le paysage quotidien :
La sécheresse exacerbe ainsi les vulnérabilités déjà présentes dans le réseau hydrique québécois.
Si les rivières du Québec s’assèchent aujourd’hui, ce n’est pas seulement la faute du climat. Une série de facteurs interconnectés, certains naturels, d’autres directement liés à nos choix collectifs, amplifient la crise et fragilisent l’équilibre hydrique du territoire.
Le réchauffement climatique agit d’abord comme un accélérateur. Les vagues de chaleur deviennent plus fréquentes, l’évaporation s’intensifie et les régimes de précipitation se dérèglent. Les périodes sèches s’allongent, et les rivières ont de moins en moins de répit pour se recharger. Selon Ouranos, ces épisodes de déficit hydrique, particulièrement marqués en été, seront appelés à se répéter et à s’intensifier au fil des années.
À ce bouleversement climatique s’ajoute la pression humaine. Lorsque le débit d’une rivière diminue, sa capacité naturelle à diluer les effluents s’effondre. Les rejets municipaux et industriels deviennent alors plus concentrés, rendant le traitement de l’eau plus complexe et plus coûteux. En parallèle, la demande en eau continue d’augmenter : l’agriculture, l’industrie et les municipalités puisent dans des réserves déjà fragiles. Le Bulletin des agriculteurs souligne d’ailleurs que les prélèvements dans les eaux de surface sont souvent sous-estimés, ce qui empêche d’avoir une image complète de la situation réelle.
Les transformations du territoire amplifient encore le problème. L’urbanisation, la déforestation, la construction de routes ou de barrages modifient profondément la dynamique naturelle des bassins versants. Ces aménagements réduisent la capacité du sol à absorber et retenir l’eau, accélèrent le ruissellement et limitent la recharge des nappes phréatiques. Résultat : les rivières deviennent plus vulnérables aux variations de température et de précipitations.
À tout cela s’ajoute un dangereux effet domino. Le projet CASCADES a montré comment une sécheresse prolongée provoque une série de conséquences en chaîne : les débits chutent, les habitats aquatiques disparaissent, la capacité d’auto-épuration des rivières s’effondre, et la biodiversité s’affaiblit. Chaque maillon fragilisé accentue la pression sur les autres, jusqu’à menacer la stabilité globale du système.
Derrière la sécheresse actuelle se cache donc une réalité beaucoup plus complexe. Le Québec fait face à une combinaison de causes climatiques, humaines et structurelles qui, ensemble, redessinent la relation que nous entretenons avec l’eau. Une crise silencieuse, mais lourde de conséquences, qui nous rappelle à quel point nos gestes, nos infrastructures et nos décisions collectives influencent le cycle vital des rivières.
Les impacts de cette situation sont multiples :
Heureusement, des pistes d’action émergent pour contrer ou du moins atténuer ces effets :
La Fondation de Gaspé Beaubien mise sur l’innovation pour propulser chacune de ces pistes de solutions en soutenant AquaAction, qui donne aux innovateurs et aux entrepreneurs les moyens de développer et de déployer des technologies de pointe dans le domaine de l'eau.
Ces solutions à la crise de l’eau servent à mesurer, traiter, recycler, conserver ou protéger l’eau douce, qu'il s'agisse d'irrigation intelligente dans le domaine de l'agriculture, de réutilisation industrielle, de détection de fuites en milieux urbains ou de lutte contre les contaminants. Elles alimentent tous les secteurs : manufacturier, énergie, agriculture, IA et même défense.
La sécheresse des rivières n’est pas un phénomène isolé, elle est le symptôme de dynamiques plus larges liées au climat, à l’aménagement du territoire et à la gouvernance de l’eau. Au Québec, l’ampleur de la sécheresse actuelle impose de repenser notre rapport à l’eau comme ressource fragile, précieuse et interconnectée.
La Fondation de Gaspé Beaubien s’est donné pour mission de faire reconnaître la sécurité de l’eau comme un enjeu de sécurité nationale et d’agir comme catalyseur pour faire déployer à grande échelle des solutions durables et novatrices à cette crise sans précédent. Car résoudre ce défi exige des alliances entre acteurs, des solutions innovantes, des politiques cohérentes et la mobilisation des parties prenantes.
Références